- limbes
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1 ♦ Théol. cathol. Séjour des âmes des justes avant la Rédemption (limbes des patriarches), ou des enfants morts sans baptême (limbes des enfants).2 ♦ (fin XVIIe) Littér. Région mal définie, état vague, incertain. « Que de choses flottent encore dans les limbes de la pensée humaine » (Flaubert).⊗ HOM. Limbe.⇒LIMBES, subst. masc. plur.A. — [D'apr. certains théologiens cath.] Séjour des innocents, des justes morts avant d'avoir été sauvés par la Rédemption. Jésus-Christ, après sa mort, tira des limbes les patriarches, les prophètes (Ac. 1835, 1878). On inventa pour les enfants le palliatif des limbes, un petit enfer plus doux où ils flotteraient toujours, loin de leurs mères, en pleurant (MICHELET, Peuple, 1846, p. 225). Et nos funèbres cœurs roulent des souvenirs Plaintifs comme le vol des âmes dans les limbes (Ch. GUÉRIN, Cœur solit., 1904, p. 28) :• 1. ... la descente [de Jésus] de croix, et l'ensevelissement; les trois jours de sépulture, les trois jours de tombeau, les trois jours dans les limbes, jusqu'à la résurrection...PÉGUY, Myst. charité, 1910, p. 123.— Littér. [En parlant d'une lumière] De limbes. Pâle et terne. Clarté de limbes. Une allée de haute futaie, où est une lumière de limbes (...) qui a l'air d'une lumière électrique au travers d'un globe dépoli (GONCOURT, Journal, 1864, p. 92) :• 2. ... une pâleur de limbes, qui paraissait suinter des parois de métal, raccourcissait le halo faible des lampes en veilleuse : il me semblait flotter comme une ombre au milieu du navire gris, du jour gris, de l'eau grise, le cœur défait dans cette étale morne du petit jour.GRACQ, Syrtes, 1951, p. 220.B. — Au fig. État incertain, indécis. Ce projet est resté dans les limbes (Ac. 1935). Ces limbes délicieux où les lumières de l'esprit s'éteignent, où le corps, délivré de son tyran, s'abandonne aux joies délirantes de la liberté (BALZAC, Peau chagr., 1831, p. 65). Les limbes de l'indéterminé (MAUROIS, Byron, t. 1, 1930, p. 272) :• 3. ... Descartes ne donnait pas trop audience au souvenir de ses rêves (...); il les laissait dans les limbes du réveil, où ils prennent naissance; il se gardait de leur donner forme et corps par mimique et incantation selon la méthode des convulsionnaires.ALAIN, Propos, 1921, p. 242.SYNT. Sortir des limbes; limbes de l'avenir, de l'enfance, de l'inconscient, de la mémoire, du mystère, de l'oubli, de la pensée, du sommeil, du souvenir.REM. Limbique, adj. Relatif aux limbes, qui rappelle les limbes. Visite au Château des Papes à la nuit tombante. Exploration au pas accéléré de l'immensité mystérieuse et limbique du palais, par des ténèbres où il y a encore un peu de l'évanouissement jaune du soleil (GONCOURT, Journal, 1885, p. 491). Cette correspondance si flatteuse n'était explicable ni par ma propre notoriété, tout à fait limbique à ce moment, ni par celle de la Revue encore plus vague peut-être (RICHEPIN, Aimé, 1893, p. 1).Prononc. et Orth. : [
]. Homon. limbe. Att. ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Fin XIVe s. sing. limbe « séjour des âmes des Justes avant la Rédemption » (EUSTACHE DESCHAMPS, VII, 306 ds T.-L.); 1544 plur. limbes « séjour où on n'éprouve pas de souffrance [allusion au séjour des Justes de l'Anc. Testament attendant sans souffrance l'avènement du Christ] » (M. SCÈVE, Délie, éd. E. Parturier, CCLXXX, 1, p. 193); 2. 1608 plur. « séjour des âmes des enfants morts sans baptême » (M. RÉGNIER, Satires, éd. G. Raibaud, XV b, 159); 3. av. 1741 fig. « état d'incertitude » (SAINT-SIMON, 400, 217 ds LITTRÉ). Empr. au lat. limbus (v. limbe) servant à désigner dans la lang. eccl. du Moy. Âge le séjour des âmes avant la mort du Christ, ces âmes étant comme en ,,bordure`` de l'enfer (limbus XIe s., Anselme de Lucques; limbi [sanctorum] patrum XIIIe s. Albert le Grand, Thomas d'Aquin), et celui des enfants morts sans baptême (limbus, limbi puerorum XIIIe s. ds BLAISE Latin. Med. Aev.).
limbes [lɛ̃b] n. m. pl.ÉTYM. XVIe; limbe, XIVe; lat. class. limbus « lisière, frange », qui a pris ce sens en lat. médiéval.❖1 Théol. Vx au sing. (encore chez Corneille). || Les limbes : dans la théologie catholique, Séjour de ceux qui sont morts sans avoir commis de péché mortel effectif, mais n'ont pas été libérés du péché originel par le baptême (les justes, morts avant la venue du Rédempteur, les enfants morts sans baptême…). || La descente de Jésus aux limbes. ⇒ Enfer (II., 1.).1 (…) Pierre Chrysologue, au cinquième siècle, imagina les limbes, espèce d'enfer mitigé, et proprement bord d'enfer, faubourg d'enfer où vont les petits enfants morts sans baptême (…)Voltaire, Dict. philosophique, Baptême, I.2 Et de la crypte ténébreuse de Saint-Bénigne, où je te coucherai debout contre la muraille, tu entendras à loisir les petits enfants pleurer dans les limbes.Aloysius Bertrand, Gaspard de la nuit, La nuit et ses prestiges, II.2 (Fin XVIIe). Fig. Région mal définie, état vague et incertain. || Les limbes de la pensée. || Ce projet, cet ouvrage est resté dans les limbes (→ Évocation, cit. 7). ☑ Être dans les limbes, dans un état vague d'inconscience (→ Éreintant, cit.).3 Que de choses flottent encore dans les limbes de la pensée humaine. Ce ne sont pas les sujets qui manquent, mais les hommes (…)Flaubert, Correspondance, t. II, p. 370 (éd. Charpentier).4 La profession de modèle (…) destitue la femme complètement et l'exile de sa personnalité, pour la reléguer dans les limbes de la plus ténébreuse inconscience.Léon Bloy, la Femme pauvre, I, VII.❖DÉR. 1. Limbique.HOM. Limbe.
Encyclopédie Universelle. 2012.